DÉMENCE SOUVERAINISTE

DÉMENCE SOUVERAINISTE

Publié dans La Presse, le 21 mai 2013 :

La tentation est toujours grande pour un parti politique d’essayer de faire par la porte d’en arrière ce qu’il n’a pu faire par la porte d’en avant, les électeurs ayant rejeté son projet. Pour certains politiciens, un « non » n’est pas une réponse et ils vont, par la diversion, tout faire pour que leur projet se réalise quand même, même si cela implique faire des tours de passe-passe pas trop élégants.

C’est un peu ce qui se passe avec la gouvernance souverainiste du gouvernement péquiste: amener les gens à voter éventuellement pour l’indépendance, non pas en faisant ressortir ce qu’il y a de positif dans une telle démarche, mais ce qu’il y a de négatif avec le système actuel. On ne demande plus aux gens d’être pro-Québec, mais plutôt d’être contre Ottawa.

Lors du référendum de 1980, le «oui» avait récolté 40% des voix. Lors de celui de 1995, le pourcentage avait frisé 50%, mais, comme on dit, passer proche ne compte pas. Depuis ce temps, les sondages ont démontré que le «oui» a connu beaucoup plus de baisses que de hausses. Aujourd’hui, il se situe à un peu moins de 40% et rien, pas même certaines décisions impopulaires du gouvernement fédéral, ne semble vouloir faire bouger la cause souverainiste. Les gens semblent être passés à autre chose.

Devant ces faits indéniables, les purs et durs ont tendance à blâmer la population qui n’aurait pas compris que l’intérêt supérieur du Québec impose la souveraineté. Pour eux, le temps presse et la possibilité qu’une majorité de la population ne veuille tout simplement pas de l’indépendance est intolérable. Il faut alors convaincre ces Québécois par tous les moyens qu’ils sont dans l’erreur. Mais cela réussit rarement, car elle met de côté l’intelligence de la population.

À titre d’exemple, je me souviens de ce gestionnaire qui, devant l’échec de son projet, disait que les consommateurs n’avaient pas compris ce qu’il voulait faire. Pourtant, les consommateurs, tout comme les électeurs, sont assez intelligents pour comprendre. De plus, ils ont toujours raison, même quand ils ont tort.

Fondamentalement, la gouvernance souverainiste n’est qu’une autre façon d’entretenir les vieilles chicanes avec Ottawa et d’en créer de nouvelles. Le Parti québécois a simplement changé l’appellation et la formule. Pas fort, comme dirait l’autre.

Quoique je ne partage pas les opinions exprimées par Québec solidaire ou par Option nationale, je dois au moins admettre que ces deux partis ont dépassé le stade de blâmer Ottawa pour s’en tenir à dire pourquoi l’indépendance du Québec est un choix logique. Le gouvernement péquiste aurait intérêt à suivre leur exemple, d’une part pour éviter l’éparpillement du vote indépendantiste et, d’autre part, pour convaincre les gens en utilisant les aspects positifs de l’indépendance plutôt que de continuer à promouvoir les chicanes usuelles avec Ottawa.

Considérant qu’en cette période d’austérité budgétaire, le gouvernement en est à couper dans l’aide sociale et les garderies, dépenser 1,5 million de dollars pour une commission nationale d’examen sur l’assurance-emploi n’est rien de plus qu’une opération politique mal ficelée. Ce n’est pas de la gouvernance souverainiste, mais simplement de la démence souverainiste. Les partis d’opposition ont certes raison de critiquer ces manoeuvres dépassées.

Publié par Gaétan Frigon