GASTON L’HEUREUX, MON ÉPICIER FAVORI

GASTON L’HEUREUX, MON ÉPICIER FAVORI

Jan 24, 2011

Gaétan Frigon

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À mon arrivée chez Metro-Richelieu en 1978 en tant que Vice-président marketing, l’entreprise n’était encore qu’une coopérative d’achats propriété de ses membres-épiciers. Pour assurer sa survie, elle se devait de jouer dans la cour des grands qui, à ce moment-là, s’appelaient Steinberg et Dominion. En fait, Metro-Richelieu était une équipe des ligues mineures qui devait jouer contre des équipes des ligues majeures et gagner la partie.

La stratégie développée pour atteindre l’objectif visé consistait à mettre de l’avant une campagne publicitaire globale qui ferait ressortir les forces de la bannière Metro à l’aide d’un porte-parole crédible. Notre agence de publicité du temps, reçu donc le mandat de découvrir le personnage idéal sur lequel on pourrait bâtir la crédibilité de la bannière Metro. Peu après, ils me recommandèrent Gaston L’Heureux. Le moins que je puisse dire, c’est que je n’étais pas emballé par ce choix. Tout ce que je savais de Gaston était qu’il avait animé une émission de télévision un peu loufoque appelée ‘’Au masculin’’. J’acceptai quant même de le rencontrer et je fus immédiatement conquis par ce bonhomme jovial qui avait justement l’air de l’épicier du coin, celui qui dit ‘’Bonjour Madame’’ chaque fois qu’une cliente entre dans son magasin. Ce fut le début d’une période de croissance rapide grâce à la campagne publicitaire ‘’ON CONNAIT NOT’ MONDE avec Gaston L’Heureux comme porte-parole.

Cependant, les débuts ne furent pas faciles. Gaston était surtout un improvisateur et avait de la difficulté avec la discipline nécessaire à la production d’un commercial TV. J’ai encore le souvenir du premier commercial où la première scène durait 7 secondes. Il fallu se reprendre 64 fois avant d’avoir finalement la bonne scène. Gaston oubliait son texte, ou virait à droite alors qu’il devait virer à gauche, ou s’éclatait de rire, ou faisait un clin d’œil, etc. Tout le monde se disait qu’on n’y arriverait jamais. Mais il travailla fort et rapidement, devint le visage de Metro et le resta pendant cinq ans. On le voyait partout : radio, télévision, journaux, circulaires. Il s’identifia tellement à Metro qu’il insistait pour connaitre les spéciaux au moins une semaine à l’avance. Il pouvait ainsi dire à toutes ces clientes qui l’adoraient : ‘’Attendez la semaine prochaine ma petite madame, le bœuf haché va être en spécial…’’. Je peux dire que le Metro d’aujourd’hui doit une fière chandelle à Gaston L’Heureux. Il a été celui qui a imposé ce positionnement ‘’épicier’’ qui est encore à la base de la publicité de Metro trente ans plus tard.

J’ai toujours gardé contact avec Gaston. Il m’appelait parfois dans ses périodes noires alors qu’il voulait simplement se faire remonter le moral. Je le voyais au restaurant qu’il a eu pendant quelques années sur la rue Mont-Royal à Montréal. Je suis allé le voir au Centre de réhabilitation Lucie Bruneau après son accident. J’étais nerveux car je ne savais pas quoi dire à ce personnage jovial qui était condamné à une chaise roulante. Vous voulez savoir? C’est lui qui m’a remonté le moral. Il n’avait rien perdu de sa verve, de sa joie de vivre. Combien de fois il m’a répété : ‘’ C’est temporaire, je peux déjà me bouger les orteils ‘’. Je savais qu’il se contait des histoires, mais des belles histoires et d’aucune façon je n’aurais osé le contredire.

Alors, mon cher Gaston, je te suis reconnaissant d’avoir permis à la bannière Metro de prendre une expansion que peu de gens pensaient possible. Tu demeureras toujours mon épicier favori car, après tout, je te dois une bonne partie du succès qui m’a été attribué.

Publié par Gaétan Frigon