LE NOUVEAU RONA

LE NOUVEAU RONA

Publié dans La Presse, le 30 septembre 2013 :

Lorsque Pierre Lessard a délaissé la présidence de Metro il y a quelques années, le choix de son successeur s’est fait à l’interne. En plus d’Éric Laflèche, qui est devenu le nouveau dirigeant, il y avait deux autres candidats, Robert Sawyer et Alain Brisebois. Ces deux-là, des «gars de terrain» comme on dit, sont aujourd’hui à la tête de Rona, le premier comme PDG et le second comme premier vice-président à la direction commerciale.

Depuis 30 ans, Robert et Alain ont vécu la transformation de Metro, d’une simple coopérative de détaillants à une entreprise publique bien implantée au Québec et en Ontario. Ils ont assisté au changement de garde où les épiciers ont dû choisir entre garder le contrôle financier de Metro et rester petits, ou abandonner le contrôle financier pour devenir un des géants de l’alimentation, tout en passant à la caisse. Cette dernière option été gagnante sur toute la ligne, et a bénéficié tant aux actionnaires qu’aux épiciers.

Il n’y a aucun doute dans mon esprit que Robert et Alain se retrouvent à la bonne place au bon moment, d’autant plus que Rona vit présentement les mêmes problèmes que Metro a traversés, incluant la révolte de certains épiciers qui voyaient d’un mauvais oeil leur perte de contrôle sur l’entreprise qu’ils avaient créée.

Sous les présidences d’André Dion et, par la suite, de Robert Dutton, Rona a toujours été perçue de l’extérieur comme une entreprise refermée sur elle-même, un peu comme une religion. Cela a eu un effet positif sur son développement. Mais vient un moment où l’entreprise doit se moderniser, autant dans sa structure interne que dans ses méthodes d’opération. Ce moment est arrivé et Rona se doit de regarder en avant sans renier son passé, mais sans non plus en être prisonnier.

Il y a eu la saga du contrôle de Rona avec, notamment, l’américaine Lowe’s, qui a tenté sans succès de l’acheter. Heureusement, Rona s’en est sortie sans trop d’égratignures, mais cette saga lui a coûté du temps. Et du temps, c’est de l’argent. Rona est en pleine période de transition et se doit de bien faire le lien entre son passé glorieux, mais refermé, et son futur plus ouvert et plus moderne. La nouvelle direction et le nouveau conseil d’administration sous la gouverne de Robert Chevrier représentent des gestes encourageants en ce sens.

Il est évident cependant que Rona va souffrir durant cette période de transition, d’autant plus que la construction résidentielle connaît une baisse marquée au Québec depuis plusieurs mois déjà. Dans ce contexte, la patience est de mise, surtout de la part des actionnaires institutionnels qui devront miser sur le moyen et le long terme avant de connaître de bons rendements sur leurs investissements.

Mais une fois que cette transition sera chose du passé, je suis convaincu que, tant les marchands Rona que les employés et les actionnaires, vont en bénéficier largement. Rona n’est plus la coopérative d’achat qu’elle était à ses débuts, considérant qu’aujourd’hui 80% de son volume provient de ses magasins corporatifs, ne laissant qu’un maigre 20% pour l’ensemble de ses marchands affiliés et franchisés, ceux-là mêmes qui ont pris la relève de Roland et de Napoléon. Ils ont apporté beaucoup à Rona, mais ils doivent se souvenir que Rona leur a également apporté beaucoup.

Parmi les défis qui attendent la nouvelle direction, il y a, entre autres, la redéfinition du positionnement de la filiale Réno-Dépôt et sa vocation à long terme, la régionalisation de la mise en marché des magasins Rona, qui se doit d’être différente à Calgary qu’elle ne l’est au Québec, la mise à jour de ses stratégies publicitaires et promotionnelles et de ses commandites, ainsi que l’actualisation des contrats d’approvisionnement avec ses marchands affiliés et franchisés, lesquels n’ont pas été revus depuis longtemps.

Ce sont là des défis importants, mais Robert Sawyer et Alain Brisebois sont allés à la bonne école et je suis convaincu qu’ils réussiront ce «nouveau Rona». Il faut simplement leur donner le temps d’y arriver.

Publié par Gaétan Frigon