L’EFFRITEMENT DE LA CLASSE MOYENNE

L’EFFRITEMENT DE LA CLASSE MOYENNE

Publié dans La Presse, le 18 décembre 2012 :

Sur le plan économique, le système capitaliste est, jusqu’à un certain point, un pacte de non-agression entre les différentes composantes de la société dans laquelle nous vivons. En retour d’une certaine liberté individuelle sur tous les plans, il est accepté qu’il y ait, d’une part, une minorité de personnes riches ou très riches qui créent de la richesse, et donc de l’emploi, et, d’autre part, une minorité de personnes pauvres ou très pauvres, mais qui bénéficient d’un filet social payé à même les taxes et les impôts.

La crédibilité même de ce système capitaliste vient du fait que, par voie de conséquence, la très grande majorité de la population se retrouve alors dans ce qu’il est convenu d’appeler la classe moyenne. Il y a ainsi un équilibre qui fait en sorte que tout le monde y trouve son compte. Du moins, c’est le but visé et c’est ce qui rend le capitalisme acceptable dans une société comme la nôtre. Malheureusement, la mondialisation des marchés, entreprise il y a déjà plusieurs décennies, est en train de mettre cet équilibre à rude épreuve en favorisant l’effritement de la classe moyenne et, par voie de conséquence, en augmentant indûment le nombre de riches et de très riches, ainsi que le nombre de pauvres et de très pauvres.

Lentement mais sûrement, de grands manufacturiers ont déplacé leurs usines vers l’Asie avec la conséquence que, au fil des années, un grand nombre d’emplois manufacturiers ont disparu. Il n’y a pas encore si longtemps, presque tout ce que nous consommions était fabriqué au Canada. Et la production de ces produits faisait en sorte qu’il pouvait y avoir des emplois bien rémunérés en grand nombre. C’était le coeur même de la classe moyenne. Cela allait de l’automobile à l’électronique jusqu’aux appareils ménagers. Aujourd’hui, allez dans une quincaillerie et essayez d’y trouver des outils fabriqués au Canada. Allez dans un magasin de vêtements et essayez d’en trouver qui sont fabriqués au Canada. Dans un cas comme dans l’autre, ce sera souvent peine perdue.

Aujourd’hui, les nouvelles technologies sont encore la plupart du temps développées par et appartiennent à des entreprises des pays de l’Ouest. Mais trouvez-moi un téléphone cellulaire, une tablette, une télévision fabriqués chez nous. Il n’y en a plus. La Chine et les pays avoisinants sont devenus l’usine du monde entier.

Le problème s’est amplifié l’an dernier lorsque Electrolux a décidé de quitter L’Assomption et de déménager sa production non pas vers l’Asie, mais à Phoenix, aux États-Unis, où les employés gagneront pas mal moins qu’au Québec. Les États-Unis semblent vraiment déterminés à remettre à flot leur production manufacturière, mais cette fois en payant des salaires leur permettant de faire compétition à l’Asie (et au Canada).

Il s’agit surtout d’États du Sud qui ont adopté la Right to Work Law (Loi sur le droit de travailler), qui abolit l’obligation pour un employé de payer des cotisations syndicales, même si plus de 50% des travailleurs ont voté pour le syndicat. Il y a 24 États américains qui ont adopté cette loi jusqu’à maintenant. D’autres la considèrent sérieusement.

Ce n’est donc plus seulement l’Asie, mais aussi les États-Unis qui contribuent à l’érosion de notre classe moyenne. Il va nous falloir trouver des solutions et vite. Autrement, l’élastique va finir par se casser.

Publié par Gaétan Frigon