QU’EST LE QUÉBEC DEVENU?

QU’EST LE QUÉBEC DEVENU?

Le référendum de 1995 avait divisé les Québécois de bien triste façon. Des gens d’une même famille ne se parlaient plus et le malaise avait pris du temps à se résorber. Il faut admettre cependant que c’était un peu normal considérant l’enjeu à ce moment-là: le Québec devrait-il se séparer du reste du Canada ou y rester?

Aujourd’hui, le Québec vit le même phénomène à l’exception que, cette fois-ci, l’enjeu n’est pas la séparation du Québec du reste du Canada, il est de savoir si le gouvernement doit ou non augmenter les droits de scolarité. Admettons d’emblée que les conséquences sont loin d’être les mêmes.

Pourtant, il y a d’un côté comme de l’autre, une radicalisation pas ordinaire qui nous rappelle le référendum de 1995. Et le malheur dans tout ça, c’est que ceux qui sont pour la hausse des droits de scolarité sont presque gênés de le laisser savoir publiquement, de peur de se faire ramasser.

C’est dommage parce que la conséquence visible est que c’est toujours le même monde qui se fait entendre. D’ailleurs, il est désolant de voir à quel point ceux qui critiquent le type de démocratie que nous avons semblent accepter une démocratie qui frise la dictature quand cette démocratie est en accord avec leurs opinions. Nous n’en sommes pas à une contradiction près.

Nous savons maintenant qu’il y a rarement eu au Québec un dossier aussi mal géré que celui des droits de scolarité où les intervenants ont presque tous perdu leur crédibilité, pour ne pas dire leur virginité.

Tant le gouvernement en place que les partis d’opposition ont été incapables de prendre des positions dictées par autre chose que la politique partisane, tant les associations étudiantes se sont mises à rêver qu’elles remplaçaient le gouvernement en décidant elles-mêmes de ce qui était dans l’intérêt supérieur de la société.

Qu’est le Québec devenu? Dire que le dossier a dérapé n’est pas une exagération mais simplement une évidence. En fait, la situation est telle aujourd’hui qu’elle n’a plus rien à voir avec la hausse des droits de scolarité. Il fallait s’y attendre. Tout le monde, gouvernement, partis d’opposition et associations étudiantes savent très bien que cette question ne sera résolue que par des élections. Car plus personne ne peut bouger sans perdre la face tellement ils se sont «peinturés dans le coin» avec leurs prises de position irréconciliables.

Si le PLQ reste au pouvoir ou si la CAQ le prend, la hausse demeure. Si le PQ prend le pouvoir, la hausse est abolie, par moratoire, gel ou par tout autre méthode qui aura le même résultat. Pourquoi alors les manifestations continuent-elles? Tout simplement parce que l’intransigeance démontrée par tous les intervenants dans ce dossier a permis une radicalisation où tout un chacun n’est plus capable de considérer l’opinion de l’autre. Il n’y a plus de commune mesure.

Les gens manifestent contre le néolibéralisme, contre le capitalisme, contre la corruption, contre ils ne savent trop quoi. Certains manifestent même parce qu’ils sont contre les manifestations. Et il faut lire dans les médias sociaux pour réaliser à quel niveau le dérapage est rendu: «Le gouvernement n’est pas légitime parce que moins de 50% de la population a voté pour lui, un tel est pourri parce qu’il émet une opinion contraire, un tel devrait fermer sa gueule parce qu’il ne connait rien au dossier, etc.»

Il est peut-être temps de faire un examen de conscience collectif et de respirer un peu plus par le nez. Cela s’applique à tout le monde, gouvernement, partis de l’opposition, associations étudiantes, citoyens et citoyennes, mais aussi aux journalistes et chroniqueurs qui, trop souvent, ont écrit des articles sans nuances, lesquels finalement n’auront servi qu’à galvaniser les opinions et empirer les choses.

Publié par Gaétan Frigon