UNE CRAINTE MALADIVE

UNE CRAINTE MALADIVE

Publié dans La Presse, le 22 octobre 2012 :

La ministre Marie Malavoy a lancé un ballon d’essai en disant qu’il serait peut-être souhaitable de retarder l’apprentissage de l’anglais, «une langue étrangère», pour les élèves dans les écoles primaires au Québec. Quels que soient les motifs qui l’ont amenée à faire une telle déclaration, c’est une mauvaise idée. Agir ainsi contribuerait à faire de nos jeunes des citoyens de deuxième classe dans le monde d’aujourd’hui.

La promotion du français est primordiale au Québec, mais elle ne doit pas se faire en hypothéquant l’avenir de nos jeunes, considérant que l’anglais est devenu par la force des choses la langue seconde de tous les pays qui n’ont pas l’anglais comme langue maternelle.

Malheureusement, il y a encore au Québec trop de politiciens qui refusent d’accepter cette réalité et qui continuent de voir l’anglais comme la langue du vainqueur britannique.

Pourtant, le Québec n’a pas le choix. Il doit s’adapter ou risquer de perdre tout avantage concurrentiel dans ses relations avec les autres pays. Si un Chinois veut faire affaire avec un Allemand, les chances sont qu’ils le feront en anglais. Si un Japonais veut faire affaire avec un Espagnol, les chances sont qu’ils le feront également en anglais. Et si un Québécois veut faire affaire avec un Coréen, les chances sont qu’ils le feront aussi en anglais.

Si vous faites le tour du monde, l’anglais devient la langue passe-partout qui vous permet de bien vous faire comprendre par à peu près tout le monde, où que vous soyez, sans égard au statut politique du pays où vous vous trouvez.

J’en ai personnellement fait l’expérience dans de nombreux voyages à travers le monde où ma connaissance du français était totalement inutile, mais où j’aurais été perdu sans une connaissance approfondie de l’anglais.

D’ailleurs, j’ai toujours été surpris de voir la facilité avec laquelle de très jeunes enfants chinois, vietnamiens, thaïlandais ou russes pouvaient me répondre en anglais. En fait, dans la plupart des pays non anglophones, les gouvernements font tout en leur pouvoir pour s’assurer que leurs jeunes apprennent l’anglais le plus tôt possible. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi au Québec?

Force est de constater que notre réaction face à l’anglais est encore négative à cause de notre histoire, et c’est malheureux, car cela nous amène dans un cul-de-sac. Que l’on soit d’accord ou pas, nos jeunes seront éventuellement perdants s’ils ne maîtrisent pas l’anglais, tout simplement parce que les jeunes d’ailleurs, eux, vont le maîtriser.

Il nous faut donc enseigner l’anglais dès la première année du primaire. Ce faisant, les Québécois démontreront clairement qu’ils ont atteint la maturité linguistique en étant capables de vivre et de travailler en français chez eux sans pour autant écraser l’anglais.

Il ne faudrait surtout pas que le Québec devienne la seule nation au monde où les jeunes sortent de l’école sans maîtriser la seule langue qui leur permettra de bien se faire comprendre ailleurs sur la planète. Maîtriser l’anglais comme langue seconde est une priorité pour tous les Québécois, fédéralistes comme souverainistes. Certains soutiennent que l’enseignement de l’anglais doit être sur le même pied que l’enseignement d’une autre langue, comme l’espagnol. Ils oublient que l’anglais est une nécessité alors que l’espagnol, tout en étant un atout, est loin d’être une nécessité.

L’important est de réaliser que la promotion du français au Québec ne passe certes pas par l’écrasement de l’anglais, une langue incontournable pour qui veut voyager et faire des affaires avec les différents pays de la planète.

Publié par Gaétan Frigon