ÇA VA BRASSER
ÇA VA BRASSER
Publié dans La Presse, le 13 janvier 2013 :
Le futur s’annonce incertain pour les trois grands de l’alimentation au Québec, à savoir IGA (Sobeys), Provigo (Loblaws) et Metro. La compétition vient de partout et les trois grands en question vont devoir vivre avec ce qu’ils ont bâti au cours des 25 dernières années. D’une part, il faut prendre en considération que les ventes alimentaires réalisées par les entreprises dont l’alimentation n’est pas la vocation première sont en augmentation constante. Elles représentent aujourd’hui plus de 20% des ventes totales. Ces ventes appartiennent notamment aux pharmacies et aux américaines Costco, Walmart et maintenant Target. C’est donc dire que les trois grands de l’alimentation au Québec se battent maintenant pour se partager environ 80% des ventes alimentaires.
D’autre part, d’un point de vue consommateurs, le marché est toujours séparé entre deux types de commerce. Il y a tout d’abord les supermarchés traditionnels qui servent une clientèle plus locale et qui recherche le service avant tout. Cette clientèle est souvent la plus fidèle tout en étant la moins influencé par les bas prix. Ensuite, il y a les grandes surfaces avec notamment les SuperC (de Metro) et les Maxi (de Provigo). Ces dernières favorisent plus les bas prix de tous les jours que les spéciaux hebdomadaires. Ces grandes surfaces sont évidemment aujourd’hui plus vulnérables car elles doivent jouer dans la même cours que Costco, Walmart et Target.
Des trois grands, IGA est fort probablement le moins vulnérable pour l’avenir. Sa stratégie de base a toujours été de bâtir autour du supermarché traditionnel et de ne pas se laisser tenter par les grandes surfaces. D’ailleurs, aujourd’hui, IGA possède non seulement le plus grand nombre de supermarchés traditionnels, mais aussi le plus grand nombre qui sont la propriété d’épiciers indépendants. Cela devrait lui permettre d’être moins en compétition avec les américaines, puisqu’elle n’a pas de grandes surfaces de type Super C ou Maxi.
De son côté, Provigo, depuis son achat par Loblaws en 1995, a vu ses parts de marché diminuer de près de 4% du fait de l’absence totale de stratégie québécoise dans sa gestion. D’ailleurs, le nombre de supermarchés Provigo a diminué de moitié au Québec depuis son achat par Loblaws. Cependant, Provigo semble vouloir reprendre le terrain perdu avec ses nouveaux Provigo Le Marché, des supermarchés de toute beauté. Il est évident que Provigo veut redevenir un joueur majeur qui devrait récupérer en partie ce qu’il a perdu au cours des 20 dernières années. Cela le rend moins vulnérable.
Quant à Metro, après avoir gagné des guerres mémorables contre ses épiciers propriétaires, qui voyaient d’un mauvais œil leur perte d’autonomie, cette entreprise a fait un virage financier remarquable. Elle a favorisé les supermarchés corporatifs et laissé aller plusieurs indépendants qui, dans la plupart des cas, ont joint la bannière IGA. En même temps, elle a favorisé l’expansion des grandes surfaces SuperC. Il est évident que ces politiques ont permis à Metro de devenir un exemple d’une rentabilité financière stable, aidé en ce sens par la faiblesse de Provigo. Mais, en même temps, on peut conclure que Metro sera dans une position plus difficile pour affronter ce qui s’en vient. Ils ont gagné sur une base financière mais n’ont plus la même qualité de service à la clientèle.
Ce qui est certain, c’est que ça va brasser au cours des 10 prochaines années en alimentation au Québec. Il n’y aura probablement pas de morts mais il y aura des blessés. Les américaines Costco, Walmart et Target (ainsi que les pharmacies) vont continuer à gruger des parts de marché en alimentation. IGA, Provigo et Metro vont tous en subir les contrecoups.