« JE GAGE UN PETIT DEUX SUR VOTRE SUCCÈS »
« JE GAGE UN PETIT DEUX SUR VOTRE SUCCÈS »
Publié dans La Presse, le 11 novembre 2013 :
Monsieur le maire, vous voilà donc maire de Montréal, c’est-à-dire maire de la plus grande ville du Québec, de la plus difficile à gérer, celle que les politiciens provinciaux aiment haïr.
L’avenir nous dira si votre nouveau parcours politique se terminera dans la fierté ou dans la honte, si votre ou vos mandats à la mairie de Montréal seront vus un jour comme l’auréole de votre carrière politique ou comme votre Waterloo.
Vous n’avez pas les connaissances administratives d’un Marcel Côté, ou les convictions d’un Richard Bergeron, ou les idées nouvelles d’une Mélanie Joly. Reste que, politicien de carrière, vous l’avez emporté. D’ailleurs, votre grande force a toujours été de sentir venir le vent, de vous adapter aux circonstances et d’écouter les gens.
Cependant, une de vos faiblesses est, parfois, d’éviter de faire face à certains problèmes en les ignorant ou en les pelletant par en avant. Dorénavant, vous allez devoir aller au-delà de ces considérations purement politiques et faire face à la musique tous les jours.
Le fait demeure que, dans sa forme actuelle, Montréal est une ville pratiquement ingouvernable et qu’il va falloir plus que des clips de 15 secondes pour mettre en place des solutions à long terme, tout en redonnant confiance aux Montréalaises et aux Montréalais.
Montréal a besoin d’un sérieux coup de barre pour redevenir ce qu’elle a déjà été: une ville magique et tolérante, reconnue pour son esprit créatif, et une ville avec un maire rassembleur en qui tous peuvent se reconnaître.
Évidemment, ce n’est pas parce que Denis Coderre est maintenant le maire de Montréal que les nids-de-poule vont disparaître, que les cônes orange vont s’évaporer, que les bris d’aqueduc vont cesser, que l’administration dans son ensemble va devenir plus efficace, que Québec va faire preuve de plus d’ouverture ou qu’Ottawa va vous céder des terrains que Montréal aimerait développer. Mais vous allez être jugé sur la façon dont vous allez aborder ces problèmes.
Ce n’est pas non plus parce que vous êtes maintenant maire de Montréal que les dissensions entre francophones et anglophones vont disparaître, ou que les finances de la ville vont s’améliorer comme par magie, ou que les cols bleus vont travailler plus fort. Il va y avoir des décisions difficiles à prendre et vous devrez être à la fois convaincu et convaincant.
J’ai vécu à Montréal sous les administrations de Jean Drapeau, de Jean Doré, de Pierre Bourque et de Gérald Tremblay. Et en toute honnêteté, je préfère de beaucoup une administration à la Jean Drapeau, qui donne une direction claire à la Ville et décide quand c’est le temps de décider, quitte à faire des erreurs, à une administration à la Gérald Tremblay, qui laisse tout un chacun prendre des décisions sans supervision, ouvrant ainsi la porte à des abus de toutes sortes.
Montréal a besoin d’un maire qui saura la remettre sur les rails. Personnellement, je suis prêt à gager un petit deux sur vos chances de succès, car vous avez l’expérience politique nécessaire et que vous n’êtes pas du genre à vous cacher dans une tour d’ivoire.
Vous êtes possiblement la bonne personne au bon moment. Cependant, vous allez vite réaliser qu’il y a une grande différence entre avoir été prince dans un grand royaume comme le Canada et être roi dans un petit royaume comme Montréal. En tant que prince, il y avait un chef pour vous supporter lorsque nécessaire. Mais en tant que roi, c’est vous le chef.