LE DON QUICHOTTE DU PQ
LE DON QUICHOTTE DU PQ
Publié dans La Presse, le 19 janvier 2015
«Don Quichotte, un hobereau de village qui frise la cinquantaine, se passionne pour les romans de chevalerie et finit par en perdre son jugement. Un beau jour, il décide de partir et d’imiter les héros dont il a lu les aventures. Comme tout chevalier errant digne de ce nom, Don Quichotte veut devenir un authentique défenseur des veuves et des opprimés».*
Dans ce résumé de l’oeuvre de Cervantes, j’ai remplacé Don Quichotte par Bernard Drainville, et voici ce que cela donne: «Bernard Drainville, un petit faucon à l’allure élégante, qui frise la cinquantaine, se passionne pour une Charte affirmant les valeurs de l’État du Québec, et finit par en perdre son jugement. Comme tout porte-parole digne de ce nom, il décide alors de repartir en campagne pour démontrer qu’il est encore un authentique défenseur des veuves et des opprimés de la politique québécoise».
De toute évidence, Bernard Drainville n’a rien compris. Sa volonté de revenir avec une version édulcorée de «sa» charte originale démontre un manque de jugement évident qui n’augure rien de bon pour l’avenir du Parti québécois. La Charte originale, pleine de contradictions, devait servir de fer de lance pour la réélection du PQ. Et les Québécois l’ont rejeté en faisant subir au PQ une défaite historique.
Il aurait été beaucoup plus sage pour Bernard Drainville d’analyser en profondeur les raisons du rejet de sa Charte, plutôt que de la remettre sur le tapis et de vouloir retaper sur le même clou.
Ce dont je me souviens le plus dans les explications de Drainville, avant les élections, est ceci: la Charte est légale puisqu’un professeur est d’accord avec son orientation; la Charte fait consensus tel que démontré par un sondage internet non scientifique auquel 30 000 personnes ont répondu; la Charte a été validée par une commission parlementaire à laquelle les opposants n’ont pas été invités. C’était prendre les électeurs pour des nonos. Quant aux explications données après les élections, elles sont à l’effet que la Charte aurait été amendée avant le vote de façon à rallier la CAQ. Pas fort.
Bernard Drainville est en train de brûler une par une toutes les qualités qu’il avait démontrées comme journaliste et qui lui avaient valu la faveur du public. La Charte, telle que déposée par Drainville en novembre 2013, a été une erreur, reconnue aujourd’hui par une majorité de ses confrères et consoeurs, mais non par lui-même. Il a une explication pour tout, notamment sur le pourquoi il n’a pas déposé les avis légaux du ministère de la Justice. C’est presque gênant.
DEUX CLASSES D’EMPLOYÉS
Aujourd’hui, Bernard Drainville, en tant que candidat à la chefferie du PQ, ne semble plus se battre pour arriver premier, mais plutôt se battre pour ne pas arriver dernier. Et il semble qu’il n’a rien trouvé de mieux que d’ajouter une clause grand-père à sa Charte originale. Nous aurions donc deux classes d’employés de l’État: ceux qui peuvent porter une croix de plus de 1 ½ pouce de haut et ceux qui peuvent en porter une de moins de 1 ½ pouce.
Tout le monde sait que les libéraux de Philippe Couillard vont déposer d’ici quelques mois leur propre projet de Charte. Et tout le monde sait qu’elle sera très différente de celle de Bernard Drainville (c’est normal), qu’elle sera beaucoup plus consensuelle (c’est normal), qu’elle aura été validée officiellement par le ministère de la Justice (c’est normal) et qu’elle ne sera pas basée sur un sondage internet (c’est normal aussi). Autrement dit, la version libérale de la Charte ne sera pas conçue pour gagner une élection puisqu’il ne devrait pas y en avoir avant plusieurs années.
Comme quoi les stratégies électorales ne donnent pas toujours les résultats escomptés. Demandez-le à Bernard Drainville, le Don Quichotte du PQ.
* Résumé tiré de: donquijotedelamancha.free.fr/resume.html