LE TOURNANT VERT DE STÉPHANE DION OU L’ART DE SE TIRER DANS LE PIED AVEC UNE BONNE IDÉE.

LE TOURNANT VERT DE STÉPHANE DION OU L’ART DE SE TIRER DANS LE PIED AVEC UNE BONNE IDÉE.

Quand Stéphane Dion a lancé son ‘’Tournant Vert’’, je me suis demandé si c’était une idée de génie ou une idée de fou. Quoique la proposition soit neutre en ce sens que la totalité des revenus provenant de sa taxe sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) serait remise aux contribuables canadiens sous forme de baisses d’impôts, elle comporte des éléments négatifs importants, notamment au niveau de la compétitivité du Canada.

Jusqu’en 1991, le gouvernement du Canada avait une taxe de vente fédérale au niveau manufacturier. Cette taxe avait le grand désavantage de s’appliquer uniquement sur les produits manufacturés au Canada, ce qui favorisait les importations. C’est une des raisons pourquoi cette taxe a été remplacée par la TPS, laquelle s’applique autant sur les produits et services importés que sur les produits et services locaux. Hé bien, fondamentalement, la taxe sur les GES proposée par Stéphane Dion aurait le même effet que l’ancienne taxe de vente fédérale puisqu’elle ne s’appliquerait qu’aux produits manufacturés au Canada. Et comme le Canada vit économiquement grâce aux exportations, ça peut faire mal.

Les GES sont un peu comme le pollen des pissenlits : ils n’ont pas de frontières. Si vos voisins ne nettoient pas leurs terrains, vos pissenlits vont repousser aussi vite que vous les coupez. Le Canada ne peut que perdre s’il met en place une taxe sur les émissions de GES sans que les autres pays fassent de même en même temps. Nous sommes à une époque où les frontières commerciales tombent les unes après les autres et si le Canada  fait en sorte que ses coûts de production augmentent, cela aura un impact négatif sur ses exportations tout en favorisant les produits importés puisque la taxe sur les GES ne les toucherait pas. C’est ce qu’on pourrait appeler se tirer dans le pied avec une bonne idée.

Mais en plus d’être difficile à appliquer sur le plan pratique, la taxe sur les émissions est encore pire sur le plan de son appellation. Stéphane Dion aurait dû donner n’importe quel nom à son plan, mais ne jamais dire qu’il s’agit d’une taxe. Une redevance peut-être, mais pas une taxe. D’ailleurs, son manque de sens politique a fait en sorte que les conservateurs lui sont tombés dessus à bras raccourcis en l’accusant de vouloir augmenter les taxes, ce qui est vrai en soi. Les conservateurs, qui ont un sens politique pas mal plus aiguisé que celui de Stéphane Dion, n’ont pas à ajouter qu’il y aurait également des baisses d’impôt équivalentes. Ils n’ont qu’à dire que les taxes vont augmenter sous les libéraux et le mal est fait. Stéphane Dion devrait s’assurer de couvrir tous les angles avant de proposer un plan qui aura un effet de vie ou de mort sur son avenir politique.

Tout cela n’empêche pas que le problème des GES est réel et qu’il faut agir rapidement. Les solutions proposées par les conservateurs ne vont probablement pas assez loin mais elles ont l’avantage d’exiger que les autres grands pollueurs comme les États-Unis, la Chine, le Japon, l’Europe et l’Inde soient de la partie. Que Stéphane Dion commence par convaincre les autres pays d’adopter eux-aussi une taxe sur les GES et ce sera fantastique pour la planète. Mais si le Canada est le seul des grands pollueurs à le faire, les pissenlits des autres pays vont vite se retrouver sur notre terrain. Ça sert à quoi de donner l’exemple si seulement les autres pays en profitent sur le plan économique.

Publié par Gaétan Frigon