IGA FAIT LA BARBE À METRO
IGA FAIT LA BARBE À METRO
Publié dans La Presse, le 16 septembre 2013 :
Pour assurer son développement à long terme, toute entreprise se doit parfois de prendre des décisions qui vont au-delà des paramètres financiers standards. Un exemple récent concerne Target.
Target a déboursé 1,8 milliard de dollars simplement pour obtenir les droits commerciaux sur les baux des magasins Zellers. Il s’agit d’un coût financier énorme, car il n’inclut pas les loyers futurs à payer, pas plus que les bâtisses. Mais ce montant de 1,8 milliard permet à Target de faire une entrée remarquée au Canada. C’était le prix à payer.
Il semble bien cependant que Metro ait décidé de ne pas jouer à ce jeu et de toujours respecter les paramètres financiers standards, quitte à laisser passer des opportunités qui, pourtant, lui auraient rapporté gros. Non pas à court ou moyen terme, mais à long terme. Mais, de toute évidence, Metro préfère enrichir ses actionnaires à court terme, quitte à ce qu’ils en paient le prix dans quelques années.
Prenons le cas de A de Lachevrotière (ADL) en Abitibi. Jusque dans les années 80, cette entreprise, appartenant à la famille Montemurro, contrôlait pratiquement la distribution alimentaire en Abitibi. Opérant sous la bannière «Montemurro», ses supermarchés couvraient l’ensemble du territoire et aucune autre bannière ne l’approchait en termes de parts de marché.
C’est alors que Metro, qui fournissait déjà viandes et fruits et légumes à ADL, a réalisé un coup fumant en achetant 20% du capital-actions de ADL. À partir de ce moment, les supermarchés Montemurro sont devenus des supermarchés Metro, qui, conséquemment, est devenu le numéro 1 en Abitibi. Plus encore, Metro a obtenu un droit de premier refus dans l’éventualité où la famille Montemurro déciderait de se départir du 80% du capital-actions d’ADL qu’elle détenait encore.
Tout allait pour le mieux pour Metro jusqu’à ce que, il y a quatre ans, IGA (Sobeys) a déposé une offre alléchante à la famille Montemurro pour acheter le 80% des actions que Metro n’avait pas. Trouvant cette offre trop onéreuse, Metro a décidé de ne pas exercer son droit de premier refus. IGA est alors devenu le seul actionnaire de ADL et tous les supermarchés Metro en Abitibi sont devenus des supermarchés IGA.
Il est évident que Metro a réalisé un énorme profit en vendant son 20%, considérant le bas prix payé quelque 30 ans auparavant, mais il venait d’hypothéquer son futur en Abitibi.
Metro croyait possible de reprendre le terrain perdu en investissant massivement dans la construction de nouveaux supermarchés en Abitibi. La réalité est tout autre. Quatre ans plus tard, Metro n’a qu’un établissement, à savoir un Super C à Val d’Or. Et elle est empêtrée dans une guerre judiciaire à finir avec à la fois IGA et la Ville de Rouyn-Noranda pour savoir qui mettra la main sur un terrain où Metro veut bâtir un Super C. IGA a payé le gros prix pour ADL et fera tout pour empêcher Metro de revenir en force.
Metro est perdante dans cette saga, d’autant plus qu’elle n’aurait jamais dû laisser IGA lui damer le pion en Abitibi. Il est d’ailleurs fort possible que ce qu’elle a déjà perdu financièrement depuis quatre ans en Abitibi est supérieur à ce qu’IGA a payé en trop pour acheter ADL.
Sobeys a encore fait la barbe à Metro en achetant Safeway dans l’Ouest du pays. Sobeys a peut-être là aussi payé le gros prix, mais devient de ce fait un joueur pancanadien. Le jour n’est pas loin où Metro regrettera amèrement d’avoir laissé filer des opportunités qui en auraient fait un joueur majeur sur l’échiquier alimentaire d’un océan à l’autre.
Il y a un prix à payer pour acheter des parts de marché de façon à jouer dans les mêmes ligues que ses compétiteurs. Metro n’est pas prête à payer ce prix et préfère laisser IGA lui faire la barbe. Metro se retrouve ainsi coincée au Québec et en Ontario et pourra difficilement devenir un jour un joueur national, car il n’y aura plus d’opportunités. Dommage.