UNE SAINE COMPÉTITION

UNE SAINE COMPÉTITION

Publié dans La Presse, le 17 septembre 2012 :

Lorsque Bell a annoncé l’achat d’Astral en mars dernier, la majorité des gens d’affaires croyaient qu’il pourrait y avoir une certaine résistance du CRTC mais qu’en fin de compte, la transaction serait autorisée, probablement avec un délestage de certaines stations dans des marchés précis.

Cependant, le dossier a pris une tout autre tournure face à une opposition structurée de la part des compétiteurs québécois de Bell, bien orchestrée par Québecor et Cogeco.

En fait, rarement avons-nous vu des compétiteurs investir autant en publicité télévisuelle, radiophonique et écrite pour demander à la population en général de s’opposer à cette transaction.

D’ailleurs, en fouillant sur le site www.ditesnonabell.ca, j’ai eu l’impression que ce serait la fin du monde si effectivement Bell absorbait Astral. Non seulement il n’y aurait presque plus de compétition au Québec, mais Bell serait pire que Silvio Berlusconi en Italie. En ce qui concerne le respect des clients, Bell serait le diable en personne alors que ses compétiteurs seraient des anges.

Disons qu’il y a quand même un peu de démagogie dans tout ça, considérant que ce sont les compétiteurs de Bell et non ses clients qui prêtent à cette dernière des intentions plus que malveillantes. Bell est présenté comme le méchant Goliath qui veut manger tout rond les petits David autour de lui.

On oublie que, tant au Québec que dans le reste du Canada, le marché des communications appartient en presque totalité à des géants.

Je mets donc de côté la propagande intéressée de Québecor et de Cogeco – ainsi que le « lapin Netflix canadien » , que Bell a sorti de son chapeau pour, de toute évidence, mieux faire accepter la transaction par le CRTC –, pour m’en tenir aux enjeux de base, à savoir si cette transaction brime la compétition dans son ensemble et si elle devrait être rejetée par le CRTC.

Or il semble, selon les données que j’ai pu trouver, que cette transaction est conforme aux règles en vigueur et au seuil de propriété que le CRTC a mis en place justement pour assurer une saine compétition au Canada et ainsi protéger les consommateurs. Je sais qu’il y a beaucoup de figures non concordantes qui ont été avancées sur la place publique. Très souvent, les unes comme les autres sont à la fois des demi-vérités ou des demi-mensonges. Si je sépare la poire en deux, j’en arrive à la conclusion que Bell et Québecor auront des parts de marché pas mal équivalentes au Québec, assurant ainsi une saine compétition. Il appartiendra aux consommateurs de juger de la performance de l’un comme de l’autre et de choisir entre les deux.

Lorsque Bell a acheté le réseau CTV il y a quelque 18 mois, plusieurs ont crié au loup. Pourtant, il semble bien que cette transaction ait été dans le meilleur intérêt de tout le monde et que les craintes exprimées ne se sont pas matérialisées. Aujourd’hui, on semble beaucoup vouloir jouer sur des sentiments nationalistes plutôt que de s’en tenir aux faits.

À ce que je sache, le siège social de Bell est toujours à Montréal même si son PDG actuel passe plus de temps à Toronto. Il s’agit là jusqu’à un certain point d’un principe d’alternance Québec-Ontario. Prenons Jean Monty par exemple: il passait pas mal plus de temps à Montréal lorsqu’il était le patron de Bell. Et quoique Québecor et Cogeco peuvent en dire, il est d’ores et déjà acquis que les décisions de Bell concernant leurs activités télévisuelles et radiophoniques au Québec se prendront au Québec. C’est d’une logique implacable.

Dans tout ce brouhaha, je ne vois pas pourquoi le CRTC refuserait à Bell le droit d’acheter Astral. Tout au plus, le CRTC devrait-il s’assurer que les règles qu’ils ont eux-mêmes édictées soient respectées.

Publié par Gaétan Frigon