LE GROS BON SENS

LE GROS BON SENS

Publié dans La Presse, le 1er décembre 2012 :

Il y a une différence fondamentale entre un parti politique au pouvoir et un autre dans l’opposition. Le premier joue avec du vrai argent alors que le second joue avec de l’argent de Monopoly.

Le véritable problème survient quand ce parti passe de l’opposition au pouvoir, car c’est là que la dure réalité le rattrape. En plus de parler et de promettre, il lui faut alors gouverner. C’est alors qu’il voit les vrais chiffres. C’est alors qu’il réalise les avertissements des agences de crédit qui peuvent abaisser une cote de crédit avec les conséquences qui s’ensuivent.

Nous savons tous qu’avant des élections, les différents partis vont faire des promesses pour, d’une part, convaincre leur clientèle de base et, d’autre part, ne pas trop effaroucher la clientèle qui pourrait peut-être voter pour eux.

Dans le cas du Parti québécois, il s’agissait de convaincre les nationalistes purs et durs sans trop effaroucher les autres francophones de souche. Dans le cas du Parti libéral, il s’agissait de convaincre les anglophones sans trop effaroucher les autres fédéralistes francophones. Dans un cas comme dans l’autre, c’était marcher sur une corde raide en s’assurant de ne pas tomber.

Mais une fois au pouvoir, le gros bon sens doit reprendre le dessus. Et à ce niveau, je ne peux que lever mon chapeau devant les virages effectués par le Parti québécois depuis qu’il est au pouvoir. Non pas qu’il soit correct de ne pas respecter les promesses faites, mais plutôt qu’il vaut mieux les abandonner quand il devient évident qu’elles ne passent tout simplement pas la rampe, qu’elles vont diviser plutôt que rassembler.

Ainsi, je me dois de souligner les replis rapides du Parti québécois face au gel du bloc patrimonial en électricité, face à la taxe santé, face à l’application de la loi 101 dans les cégeps. Le Parti québécois a fait marche arrière plus par obligation que par choix, mais au moins, il a fait marche arrière.

C’est un peu la même chose dans le cas de la démission de Daniel Breton. Par principe, Jean Charest s’entêtait à protéger des ministres qui ne méritaient pas d’être protégés. De son côté, Pauline Marois a rapidement accepté la démission de Daniel Breton, démontrant encore une fois qu’elle sait éviter les causes perdues.

Le Parti libéral avait été beaucoup plus doctrinaire lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2003. Il avait promis de permettre aux villes récemment fusionnées dans l’île de Montréal de défusionner si une majorité d’électeurs le voulaient à la suite d’un référendum. C’était une promesse faite par ce parti en fonction de solidifier sa base électorale anglophone de l’ouest de l’île de Montréal. Une fois au pouvoir, le Parti libéral est allé de l’avant avec cette promesse même s’il était évident que ce serait le bordel. Et c’est exactement ce qui est arrivé. Montréal est aujourd’hui un monstre à 20 têtes, une ville ingouvernable.

Le gros bon sens aurait voulu que Jean Charest n’aille pas de l’avant avec cette promesse pour éviter le désastre qui a suivi. Il a préféré à ce moment-là rester politicien plutôt que d’agir comme homme d’État, ce qui n’était rien de moins que de l’entêtement de sa part.

Avec tous les replis effectués par le Parti québécois, on peut presque dire que le budget Marceau aurait aussi bien pu être un budget du PLQ ou de la CAQ. Il était important de garder le cap sur l’obtention du déficit zéro. Et c’est ce qui a été fait. C’est la victoire du gros bon sens face à la dure réalité du pouvoir.

Publié par Gaétan Frigon