S’ADAPTER OU CREVER

S’ADAPTER OU CREVER

Publié dans La Presse, le 25 novembre 2014

Dans la première moitié du XXe siècle, les changements technologiques ont commencé à prendre de la vitesse, même si toute entreprise pouvait encore prendre son temps pour réagir, pour s’adapter. En fait, il fallait souvent jusqu’à deux générations pour qu’une entreprise ou une industrie crève, faute de s’être adaptée. Les choses se sont accélérées rapidement dans la deuxième moitié de ce même siècle et la période d’adaptation s’en est trouvée réduite à moins d’une génération.

À titre d’exemple, les épiciers indépendants ont pu opérer jusqu’à la fin des années 60 sans trop se soucier des grandes chaines. Mais à partir des années 70, ceux qui ne se sont pas adaptés sont disparus, et, moins d’une génération plus tard, ce fut au tour des grandes chaines comme Steinberg et Dominion de disparaitre, faute d’avoir été en mesure de s’adapter.

Aujourd’hui, internet oblige, une entreprise qui reste stagnante pendant une période de seulement 5 à 10 ans a de fortes chances de crever, étant donné la rapidité des changements. Tout a commencé par l’industrie de la musique, lorsque Napster a offert des téléchargements gratuits il y a une dizaine d’années. Les hauts cris sont venus de partout. Les tribunaux s’en sont mêlés en ordonnant à Napster de cesser ce qui apparemment causait de graves préjudices à l’industrie. Mais les usagers ont, quelques années plus tard, gagné sur toute la ligne et, maintenant, tout le monde peut télécharger n’importe quel morceau de musique pour un prix minime. L’industrie de la musique a été forcée de s’adapter pour survivre.

Aujourd’hui, le même phénomène se produit avec l’industrie du livre, et, cette fois, ce sont les libraires qui en font les frais. Mais il y a une chose inévitable : les consommateurs vont acheter de moins en moins de livres chez les libraires traditionnels pour se tourner vers le téléchargement en ligne. Et ce n’est certes pas en essayant de convaincre le gouvernement de passer une loi défendant aux Costco et Wal-Mart de ce monde de réduire les prix sur les nouveautés que le problème va se régler.

Il m’apparait évident que les gens n’arrêteront pas de lire, mais qu’ils vont plutôt le faire d’une façon différente. Le sort des livres suit sensiblement la même courbe que celui des journaux. Et les libraires vont devoir s’adapter de la même façon que les propriétaires de journaux s’adaptent présentement. Sinon, ils vont tous crever à plus ou moins court terme.

D’autres industries sont également à risque, cette fois avec la prolifération d’applications mobiles qui les touchent directement. Par exemple, l’industrie du taxi ne sera plus jamais la même avec l’arrivée d’Uber et d’autres entreprises qui simplifient l’obtention rapide d’un taxi. Il est déjà écrit dans le ciel que les propriétaires de taxi traditionnels vont faire des pieds et des mains pour maintenir leur monopole, pour continuer comme si de rien n’était. Mais ce sera peine perdue. Le bulldozer est en marche et ne s’arrêtera pas, tout simplement parce que c’est ce que les usagers veulent. Et ceux-ci sont maintenant en mesure d’imposer leurs choix, alors que la seule chose que les gouvernements peuvent faire est d’encadrer – et non d’empêcher – ces nouvelles façons de faire des affaires.

Et ça ne fait que commencer, car de nombreuses autres industries vont subir le même sort d’ici peu. À moins qu’elles ne décident de faire face à la musique, dès maintenant, en s’adaptant. Mieux vaut devancer le changement que le subir.

Publié par Gaétan Frigon