UN RECOURS COLLECTIF FARFELU CONTRE LOTO-QUÉBEC
UN RECOURS COLLECTIF FARFELU CONTRE LOTO-QUÉBEC
Selon La Presse du 7 janvier dernier, une entente hors cours serait intervenue dans la cause du recours collectif de 700 millions de dollars intenté contre Loto-Québec par les joueurs compulsifs, recours autorisé par la Cour supérieure alors que j’étais PDG de Loto-Québec en 2002. Ma réaction en avait alors été une d’incrédulité devant un montant aussi faramineux d’autant plus que le demandeur entendait démontrer que c’était les appareils de loterie vidéo (ALV) eux-mêmes qui étaient responsables de rendre les joueurs compulsifs. Et comme c’était le rôle de Loto-Québec de commercialiser les ALV, cette dernière devait donc en être tenue responsable. Un peu mince comme approche. C’est un peu comme si les alcooliques du Québec décidaient à leur tour d’intenter un recours collectif contre la SAQ sur la base que c’est elle qui leur a vendu les boissons alcooliques. Mais le plus renversant de l’histoire, c’est qu’au Québec, le contrôle du jeu, incluant les ALV, est sous la juridiction de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RAJC) et non sous la juridiction de Loto-Québec. Et en ce qui a trait à l’aide aux joueurs, c’est sous la juridiction du Ministère de la santé et des services sociaux. J’avais donc conclu que ce recours collectif n’était guère plus qu’une offensive publicitaire visant à faire trembler à la fois le gouvernement et Loto-Québec parce que c’est là que l’argent se trouve. Donc, ce n’était pas sérieux car il était impossible de démontrer que des appareils de jeu puissent rendre des joueurs compulsifs. Un jour, pensais-je alors, quelqu’un proposerait de laisser tomber parce qu’il serait de toute évidence impossible pour le demandeur de démontrer une quelconque responsabilité de Loto-Québec.
Mais surprise : cinq ans et demi plus tard, je reçois un subpoena de la part du demandeur m’enjoignant de témoigner dans cette cause vu mon statut d’ex-PDG de Loto-Québec. Un peu rouillé il va sans dire après une si longue absence, je me suis demandé ce qui avait bien pu changer depuis mon départ. Aurait-on découvert une preuve incontestable qui viendrait prouver hors de tout doute raisonnable qu’effectivement les ALV étaient la cause du jeu compulsif? Connaitrait-on finalement ce qui cause le jeu pathologique? Mais les questions qu’on m’a posées lors de mon témoignage de quatre heures devant le tribunal m’ont démontré qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Le procureur du demandeur ne m’a posé aucune question sur le fond du recours c’est-à-dire sur le fait que ce serait les ALV qui rendraient les joueurs compulsifs et que Loto-Québec en serait responsable. Après mon témoignage, je dois admettre que ma conclusion était toujours la même que celle auquel j’en étais arrivé en 2002, à savoir que ce recours collectif de 700 millions de dollars intenté contre Loto-Québec n’était rien d’autre qu’une stratégie publicitaire visant à faire connaitre les dommages causés par le jeu pathologique et à obtenir un peu d’argent par la bande. Si l’entente hors cour est telle que rapportée par La Presse du 7 janvier dernier, l’important est qu’il ne s’agit pas d’un compromis de la part de Loto-Québec sur l’essentiel du recours puisqu’il n’y a aucune admission de responsabilité, mais qu’il s’agit plutôt d’un prix de consolation honorable puisqu’il n’implique que le remboursement de frais dument encourus pour la période de 1994 à 2002, période au cours de laquelle, il faut l’admettre, les investissements pour contrer le jeu pathologique étaient minimes ou même inexistants. Toutefois, le résultat publicitaire obtenu par ce recours a été plutôt mince et décevant pour le demandeur car, après quelques jours d’audience, les journaux ont cessé d’en parler. Je suis convaincu que les frais juridiques encourus par les parties en cause, lesquels se chiffrent en millions de dollars payés directement ou indirectement par le gouvernement du Québec, auraient été beaucoup mieux investis en aide directe aux joueurs compulsifs que dans un recours collectif de 700 millions de dollars. J’ose espérer que le règlement de cette cause mettra fin à certains recours collectifs qui ont trop souvent pour but de toujours blâmer les autres pour des problèmes qu’on peut aider à régler soi-même.
Je ne peux ici que lever mon chapeau devant le juge Gratien Duchesne qui a démontré une patience d’ange durant les 125 jours d’audience de cette cause de sorte que le demandeur ne pourra jamais insinuer qu’il n’a pas eu l’opportunité de faire valoir son point de vue, aussi farfelu pouvait-il être.