COMMENT ON FIXE LES PRIX À LA SAQ
COMMENT ON FIXE LES PRIX À LA SAQ
À la suite de mon article du 27 février sur le rôle des agents à la SAQ, j’ai reçu de nombreux commentaires de personnes qui veulent comprendre comment les prix sont établis à la SAQ. Tout débute en 1920 lorsque le gouvernement met sur pied la Commission des Liqueurs. Le but premier de cet organisme était de contrôler la vente des boissons alcooliques sur le territoire du Québec et de veiller à ce que les citoyens boivent le moins possible. Dans ce contexte, il était normal pour ladite Commission d’agir comme une simple courroie de transmission et de laisser à d’autres le soin de prendre les décisions commerciales. C’est ainsi qu’on a vu l’apparition d’un triangle qui a lentement assumé le pouvoir commercial sur la sélection des produits, sur les prix coûtant et, par voie de conséquence, sur les prix vendant. Ce triangle était composé des producteurs, des agents qui les représentaient et de tierces parties, notamment des chroniqueurs et autres connaisseurs. La Commission, quant à elle, mettait simplement à la disposition de ce triangle son entrepôt et ses magasins, en plus d’agir comme arbitre.
Ce système s’est installé dans les mœurs de la Commission et dans celle de la Régie des alcools qui lui a succédé. En 1969, le gouvernement a décidé de créer deux organismes distincts, le premier (la RACJ) avec le mandat de contrôler, et le second, (la SAQ) avec le mandat de faire le commerce. Toutefois, à mon arrivée à la SAQ en 1998, le système n’avait pas évolué et était encore le même : les producteurs étrangers se trouvent tout d’abord un agent, l’agent en question propose ses produits à la SAQ qui décide de les accepter ou de les refuser sur la base de critères de sélection connus d’avance. Les agents, pour mousser leurs produits, vont les faire déguster par des chroniqueurs de vin, sachant très bien qu’une recommandation positive de leur part aura un impact immédiat sur les ventes.
Jusque là, il n’y a rien à redire. Il est même normal pour des agents ou pour des chroniqueurs de vin d’avoir des liens directs avec les producteurs. Ce n’est pas là le problème. Cependant, la situation se complique lorsque vient le temps de fixer le prix coûtant de ces produits. Le producteur et son agent fonctionnent à l’envers. Ils commencent par décider à quel prix on voudrait que la SAQ vende ledit produit dans ses magasins, en tenant compte de produits comparables. À titre d’exemple, si la SAQ vend une bouteille de vin rouge Mouton Cadet à 15,35$ et qu’un producteur voudrait que son vin soit vendu à 0,50$ de moins, donc à 14,85$, il établira son prix coûtant en conséquence, obligeant la SAQ à le vendre à 14,85$. Et il se peut fort bien à ce moment-là que la SAQ paie trop cher pour ledit produit, mais elle ne pourra rien y faire, le prix coûtant étant fixé par l’agent à partir du prix de détail recherché par le producteur. C’est ce qu’on appelle un marketing qui commence par les besoins du producteur plutôt que par les besoins du consommateur.
Au début de mon mandat à la SAQ en 1998, j’ai clairement énoncé que la SAQ se devait de négocier ses prix coûtant à la baisse de façon à refléter le fait qu’elle est un des plus importants importateurs de vin au monde. Mes deux successeurs, Louis Roquet et Sylvain Toutant ont abondé dans le même sens. Mais dans la réalité des choses, toute tentative de la SAQ de négocier directement ses prix coûtant s’est frappée au mur des agents qui continuent à s’objecter férocement à ce que la SAQ puisse négocier ses prix directement avec les producteurs. Le résultat est simple : le contrôle sur les prix coûtant demeure entre les mains de ceux qui, d’une part, ont intérêt à avoir des prix élevés et, d’autre part, qui ne sont d’aucune façon redevables de leurs décisions. Et pendant ce temps, la SAQ continue de payer trop cher pour ses produits tel qu’il a été clairement démontré à plusieurs reprises.