JE M’ENNUIE DE MON QUÉBEC
JE M’ENNUIE DE MON QUÉBEC
Article de Louise Prévost de Longueuil :
Je m’ennuie de mon Québec
Oui, je m’ennuie de mon Québec. Je m’ennuie de la sérénité qui faisait partie de mon quotidien, je m’ennuie de circuler en paix et sans me poser de question sur une quelconque menace, je m’ennuie de dire on est bien chez nous, on est chanceux de vivre ici. Je ne te reconnais plus mon Québec, ta jeunesse révoltée occulte trop celle qui est remplie d’idéal, j’ai mal à l’espoir, j’ai mal au pays dont je rêvais, j’ai mal à ton image. Je veux fuir mais je ne sais où. J’ai perdu la fierté de dire :
je viens du Québec.
Tu me sembles bien malade. Les uns me disent que tu as le virus de l’enfant-roi qui ne veut rien sacrifier, qui ne voit rien d’autre que lui-même. Les autres me disent que tu souffres du silence des plus grands. Ou bien tu es rouge ou bien tu es blanc ou vert mais je sens que rien ne va plus, que tu t’enfonces dans la haine, la vengeance, la colère, le mépris, la violence, et à d’autres moments dans l’angoisse, la peur du lendemain, le ras-le-bol. Tout ça n’est rien de bon pour ton cœur. Je suis inquiète pour toi, Québec.
Veux-tu, je vais tenter un remède qui pourrait, il me semble, calmer tes angoisses mais c’est un remède qui doit s’administrer collectivement et plus on sera nombreux à le faire, plus il sera efficace. Il requiert une dose énorme de bonne foi, de sagesse et de respect :
-Les chefs des partis politiques devront laisser tomber le carré rouge, vert ou blanc et le remplacer par le bleu, le bleu que tu aimes, le bleu Québec de la sérénité.
-Ce Ceux et celles qui incitent clairement à la désobéissance civile ou avec des mots bien mesurés… devront penser à ce que la population en général perd de ses valeurs, de sa paix, de ses économies pour plaire à un petit groupe d’insurgés qui disent défendre des droits bien contraires à leur comportement.
-Ce Ceux et celles qui se disent brimés par cette augmentation des droits de scolarité, encore et de beaucoup les plus bas au Canada, devront penser qu’il y a des travailleurs et des citoyens qui paient pour eux, généreusement, et qui sont brimés par leur violence et le climat d’insécurité qui les envahit.
-Les leaders syndicaux et des associations étudiantes doivent véhiculer le message que nous avons un système démocratique qui permet de choisir notre gouvernement en allant voter.
Mais encore faut-il aller voter : c’est un droit et un devoir que trop de jeunes n’assument plus depuis des années. Je ne sais pas ce qu’ils diraient si ce droit leur était enlevé. Quelle serait la couleur de leur carré pour le revendiquer ?
Vivement ce remède collectif, je n’en peux plus de te voir si malade.
Pendant que tu cries dans la rue, je porte attention et j’entends en même temps d’autres voix qui expriment leurs besoins, plus faiblement je l’avoue : les malades requièrent le gel des médicaments, des soins de qualité et sans délai, les personnes âgées veulent des centres d’hébergement adaptés ou des soins à domicile, les itinérants veulent de l’aide tout comme les femmes et les enfants en difficulté, les handicapés veulent des services à leur mesure, les aidants naturels veulent du répit, les jeunes parents demandent d’ajouter des places en garderies, tous veulent des routes et des ponts sécuritaires. J’en entends aussi bien d’autres encore. Non, il n’y a pas que des étudiants qui revendiquent au Québec.
Je paye déjà beaucoup pour tes étudiants en colère et je devrai en plus payer très chèrement pour réparer tout ce qu’ils ont cassé. J’ai peur de manquer de sous pour répondre aux nombreuses demandes de toute ta population, Québec. Sûrement que l’élimination de la corruption, des abus et de la mauvaise gestion me donnera un coup de pouce mais encore faudra-t-il l’éliminer aussi. J’ai atteint mon seuil.
Cher Québec, j’ai hâte de prendre le métro pour aller au travail sans me demander ce qui m’arrivera soir et matin, j’ai hâte d’aller flâner dans les rues de Montréal sans me demander sur quelle rue et à quelle heure, je veux revoir les commerces dynamiques et des terrasses remplies où s’amuse une clientèle joyeuse, je veux assister calmement au festival de jazz et à tout autre événement festif qui font notre plaisir et notre fierté, souvent gratuits en plus. J’ai hâte de revoir les touristes heureux de revenir se promener au Québec, j’ai hâte de voir autre chose que de la violence au journal télévisé en me demandant si je suis au Québec, en Syrie ou en Iran, j’ai hâte de voir un Québec en santé rempli de bleu et d’espoir en attendant d’aller nous prononcer collectivement aux urnes. J’ai hâte d’être bien !
J’ai hâte d’entendre tous ceux et celles qui ont en main un porte-voix, leaders politiques, étudiants et syndicaux, déclarer d’une même voix: le peuple nous a entendus, redonnons maintenant aux Québécois la paix à laquelle ils ont droit et qui fait leurs beaux jours. Donnons aussi la place à d’autres personnes qui ont de grands besoins, c’est notre devoir. C’est la conscience sociale, c’est le partage collectif qui fait le peuple que nous sommes.
J’ai hâte d’être bien avec toi, Québec. J’ai un grand besoin de repos et toi aussi ! Mais de grâce, décore-toi en bleu, le bleu de la sérénité !
Louise Prévost Longueuil